Le Tchad continue d’enregistrer des affaires de détournement de fonds publics sans que leurs auteurs, ni leurs complices, ne soient réellement sanctionnés. Le voile vient de se lever sur l’un des plus grands scandales financiers de ces dernières années dans la province du Ouaddaï. Le 19 septembre, l’Autorité Indépendante de Lutte contre la Corruption (AILC) a révélé l’existence d’un détournement massif estimé à plus de 6,5 milliards de FCFA, impliquant de hauts responsables administratifs de la région.
Selon le communiqué officiel de l’AILC, les investigations ont mis au jour un gouffre financier dans la trésorerie provinciale du Ouaddaï. Plus de 464,9 millions de FCFA auraient disparu des caisses, auxquels s’ajoute un détournement colossal de 6,09 milliards de FCFA imputé à deux hauts fonctionnaires : Mahamat Massar Houd et Oumar Bourham Dahie, receveur-percepteur de la sous-préfecture de Koundjourou.Une justice qui s’entremêle les pattes Alors que l’ampleur des faits laissait présager une procédure exemplaire, la justice a surpris l’opinion. Le procureur de la République a décidé de « mettre en veilleuse » les poursuites contre Mahamat Massar Houd, au motif de son engagement à rembourser les fonds détournés. Une décision dont l’AILC s’est immédiatement désolidarisée.
Pire encore, un nouvel écart de 419,7 millions de FCFA a ensuite été découvert, toujours attribué à Mahamat Massar Houd. Malgré plusieurs convocations, ce dernier a refusé de comparaître, contraignant la justice à émettre un mandat d’amener. Il a finalement été arrêté et reste en détention.
Une lutte anticorruption en quête de crédibilité
Ce scandale relance les interrogations sur l’efficacité et la crédibilité de la lutte contre la corruption au Tchad. Comment expliquer qu’un détournement de plusieurs milliards puisse être « suspendu » par une simple promesse de remboursement ? Quelle confiance accorder à une justice qui libère un accusé avoué avant même qu’il n’ait réparé ses crimes financiers ?
Une banalisation de la souffrance des habitants
Dans le Ouaddaï, région déjà frappée par la pauvreté et un cruel manque d’infrastructures, l’indignation est immense. Ces milliards dérobés auraient pu servir à construire des écoles, équiper des hôpitaux, aménager des routes ou encore assurer l’accès à l’eau potable, qui demeure un luxe dans cette partie du pays.
Par : Issa Adoum
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