Au marché hebdomadaire de Pala, surnommé « samedi », un espace peu ordinaire attire l’attention des visiteurs. Sous des hangars, de jeunes couturiers transforment des tissus en tenues élégantes, mêlant habileté artisanale et activités économiques. Parmi eux, Zoutenet Basile, un couturier de 27 ans, incarne cette génération de diplômés contraints de réinventer leur avenir à défaut d’un emploi stable.
Licencié en anglais depuis 2024 à l’Université de Maroua au Cameroun, Basile s’est lancé dans la couture dès 2010, alors qu’il n’était qu’un lycéen. « C’est grâce à la couture que j’ai financé mes études et payé mon loyer à Maroua », confie-t-il. Aujourd’hui, malgré son diplôme, il continue d’aiguiser ses ciseaux faute d’opportunités dans le secteur formel.
Chaque jour de marché, Basile peut gagner entre 2 000 et 5 000 francs CFA. Mais les revenus ne sont pas toujours au rendez-vous. « Certains jours, il n’y a presque rien », déplore-t-il. En saison des pluies, il diversifie ses activités en cultivant du maïs, du sorgho et de l’arachide pour assurer un minimum de subsistance.
Spécialisé dans la couture mixte, il confectionne des vêtements pour hommes, femmes et enfants. Cependant, ses ambitions sont freinées par des difficultés récurrentes : « Les mésententes avec les clients surgissent quand les commandes ne sont pas prêtes à temps, et certains clients ne paient pas leurs tenues après la livraison », regrette-t-il.
Basile se dit étouffé par les taxes et impôts. « Nous devons payer une patente exorbitante de 20 000 francs par mois, des taxes communales de 1 000 francs pour le hangar, et des droits d’auteur de 20 000 francs par an. Même quand nous honorons nos obligations, ces sommes n’atteignent pas toujours le Trésor public », dénonce-t-il, pointant une mauvaise gestion des fonds publics.
Malgré les obstacles, Basile garde espoir et invite les jeunes à apprendre la couture. « Je suis prêt à transmettre mes connaissances », assure-t-il. Il exhorte les jeunes à embrasser l’entrepreneuriat. « La fonction publique ne peut plus absorber tout le monde. Il faut se battre pour se prendre en charge. Rester bras croisés n’est pas une solution. »
À Pala, comme ailleurs, ces jeunes tailleurs symbolisent la résilience. Leur résilience est une leçon d’audace et d’ingéniosité face aux défis du marché du travail.
Par : AGNANG Pierre
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